Dans l'histoire de Hinji Zukuri, la montagne fait face au village. Alors que la montagne appelle le père, le village accueille la mère.
C'est en contant cette histoire que Keizô Andô Sensei nous a enseigné "yose-ue", le style codifié de la forêt.
Un style que j'ai découvert pour la première fois. Non pas que je ne le connaissais pas - les livres et expositions nous en montrent régulièrement - mais je n'en avais jamais fait!
Il faut dire que pour faire une forêt, il faut une quantité d'arbres...
Première règle, donc: au minimum, une forêt Hinji Zukuri compte 5 arbres dans le plus grand groupe, et 3 dans dans les deux autres, pour un total donc, de 11 arbres. Les variations Shinji Zukuri et Shigun Zukuri ne doivent pas en compter moins.
Ainsi, il m'a fallu rassembler une tribu d'arbres identiques puisqu'une seule essence doit être utilisée dans la même forêt - seconde règle; en réalité, il faut veiller à l'uniformité du feuillage. Il vaut donc mieux partir de semis ou de boutures issus d'un même arbre.
J'en profite pour remercier Gaétan dont le cadeau providentiel, il y a deux ans, m'a fourni à point nommé la matière de base : 20 jolis plants de Zelkova, semés par ses soins.
Une fois la théorie passée, c'est dans une soucoupe ovale de 18 cm que je me suis attelé à la difficile tâche de la composition. Un exercice qui allie créativité et rigueur. La série de règles pour cette phase est terriblement longue:
- le plus grand arbre - le père- est placé sur un coté, il sera l'arbre le plus en avant de la composition;
- le second arbre le plus grand est placé de l'autre coté du père, légèrement plus en arrière, donc. Son tronc sera légèrement plus fin;
- les autres arbres sont placés alentour des deux premiers de manière à encadrer un espace central, ouvert, évoquant une clairière, un cheminement;
- le nombre d'arbres (au minimum 3 par groupe, 5 pour le groupe du père) doit être impair, si le groupe compte moins de 9 arbres; il peut être pair au-delà;
- aucun arbre ne doit se trouver dans l'alignement d'un autre, et dans le sens longitudinal et dans le sens transversal de la composition;
- les dimensions des arbres (diamètre du tronc et hauteur) respecteront les principes de perspectives. C'est-à-dire, les plus petits et les plus fins derrière, afin d'augmenter visuellement la profondeur de la forêt;
- dans la variante Hinji Zukuri, un groupe d'arbres est placé en arrière-plan entre les deux premiers groupes. Ce groupe ne doit pas être centré, mais légèrement décalé du côté du groupe du père (la montagne).
Armés de toutes ces exigences, les arbres dépotés, racines défaites et taillées (attention au dessèchement... C'est pas le moment de la pause café!), il s'agit de commencer la composition en prenant garde à ce que les arbres se positionnent pour que les espaces entre les troncs soit variés, que les diamètres des troncs voisins différent les uns des autres, que les formes et directions des arbres créent un ensemble harmonieux...
Pour rien vous cacher, là c'est carrément galère... Faire tenir debout une vingtaine d'arbres dont les branches se croisent et se repoussent demande la dextérité du champion de château de carte! Malgré la très peu élégante technique du fil d'aluminium qui coure au fond du pot, s'enroulant tel un boa autour des arbres (mais sans les étrangler) et tricotant avec les mottes de racines tel le pal de l'inquisiteur (mais sans les cantiques), la mise en oeuvre demande vraiment une bonne visualisation mentale de ce qu'on veut faire avec la position bien planifiée de chaque arbre. Un petit croquis n'est pas totalement inutile...
Au final, tous les arbres sont en place; on ose à peine respirer. Il s'agit de maintenir l'ensemble et compléter le substrat - un akadama finement tamisé dans mon cas - en butant (créer de petite butte, nldr) quelque peu à l'endroit des groupes principaux et en laissant la pente faire glisser le regard vers les arbres du fond.
Une fois les arbres bien calés dans le substrat, il s'agit d'alléger le feuillage. Toutes les branches qui poussent vers l'intérieur, entre deux arbres, sont supprimés. Les feuilles, rares sur de si petites boutures, ne sont plus très nombreuses... lesquelles garder pour donner un peu d'allure à cette petite forêt en devenir?
Allez! On arrête. Il est temps de la mettre dans la lumière. Sur une petite tablette.
"Si vous voyez la biche ou un renard entre les troncs, vous avez réussi" disait le Maître.
Les voyez-vous?
Chut! Ne pas les effrayer!
Et laisser s'installer l'esprit de la forêt.
L'Esprit du Maître.
Petite remarque. Dans la plus pure tradition de la composition, cette forêt a un vilain défaut: le groupe de trois arbres au milieu en arrière est décalé du mauvais côté; il doit accompagner le groupe du père... zut! on aurait cru un moment que cette forêt était presque parfaite ;-)
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C'est en contant cette histoire que Keizô Andô Sensei nous a enseigné "yose-ue", le style codifié de la forêt.
Un style que j'ai découvert pour la première fois. Non pas que je ne le connaissais pas - les livres et expositions nous en montrent régulièrement - mais je n'en avais jamais fait!
Il faut dire que pour faire une forêt, il faut une quantité d'arbres...
Première règle, donc: au minimum, une forêt Hinji Zukuri compte 5 arbres dans le plus grand groupe, et 3 dans dans les deux autres, pour un total donc, de 11 arbres. Les variations Shinji Zukuri et Shigun Zukuri ne doivent pas en compter moins.
Ainsi, il m'a fallu rassembler une tribu d'arbres identiques puisqu'une seule essence doit être utilisée dans la même forêt - seconde règle; en réalité, il faut veiller à l'uniformité du feuillage. Il vaut donc mieux partir de semis ou de boutures issus d'un même arbre.
J'en profite pour remercier Gaétan dont le cadeau providentiel, il y a deux ans, m'a fourni à point nommé la matière de base : 20 jolis plants de Zelkova, semés par ses soins.
Une fois la théorie passée, c'est dans une soucoupe ovale de 18 cm que je me suis attelé à la difficile tâche de la composition. Un exercice qui allie créativité et rigueur. La série de règles pour cette phase est terriblement longue:
- le plus grand arbre - le père- est placé sur un coté, il sera l'arbre le plus en avant de la composition;
- le second arbre le plus grand est placé de l'autre coté du père, légèrement plus en arrière, donc. Son tronc sera légèrement plus fin;
- les autres arbres sont placés alentour des deux premiers de manière à encadrer un espace central, ouvert, évoquant une clairière, un cheminement;
- le nombre d'arbres (au minimum 3 par groupe, 5 pour le groupe du père) doit être impair, si le groupe compte moins de 9 arbres; il peut être pair au-delà;
- aucun arbre ne doit se trouver dans l'alignement d'un autre, et dans le sens longitudinal et dans le sens transversal de la composition;
- les dimensions des arbres (diamètre du tronc et hauteur) respecteront les principes de perspectives. C'est-à-dire, les plus petits et les plus fins derrière, afin d'augmenter visuellement la profondeur de la forêt;
- dans la variante Hinji Zukuri, un groupe d'arbres est placé en arrière-plan entre les deux premiers groupes. Ce groupe ne doit pas être centré, mais légèrement décalé du côté du groupe du père (la montagne).
Armés de toutes ces exigences, les arbres dépotés, racines défaites et taillées (attention au dessèchement... C'est pas le moment de la pause café!), il s'agit de commencer la composition en prenant garde à ce que les arbres se positionnent pour que les espaces entre les troncs soit variés, que les diamètres des troncs voisins différent les uns des autres, que les formes et directions des arbres créent un ensemble harmonieux...
Pour rien vous cacher, là c'est carrément galère... Faire tenir debout une vingtaine d'arbres dont les branches se croisent et se repoussent demande la dextérité du champion de château de carte! Malgré la très peu élégante technique du fil d'aluminium qui coure au fond du pot, s'enroulant tel un boa autour des arbres (mais sans les étrangler) et tricotant avec les mottes de racines tel le pal de l'inquisiteur (mais sans les cantiques), la mise en oeuvre demande vraiment une bonne visualisation mentale de ce qu'on veut faire avec la position bien planifiée de chaque arbre. Un petit croquis n'est pas totalement inutile...
Au final, tous les arbres sont en place; on ose à peine respirer. Il s'agit de maintenir l'ensemble et compléter le substrat - un akadama finement tamisé dans mon cas - en butant (créer de petite butte, nldr) quelque peu à l'endroit des groupes principaux et en laissant la pente faire glisser le regard vers les arbres du fond.
Une fois les arbres bien calés dans le substrat, il s'agit d'alléger le feuillage. Toutes les branches qui poussent vers l'intérieur, entre deux arbres, sont supprimés. Les feuilles, rares sur de si petites boutures, ne sont plus très nombreuses... lesquelles garder pour donner un peu d'allure à cette petite forêt en devenir?
Allez! On arrête. Il est temps de la mettre dans la lumière. Sur une petite tablette.
"Si vous voyez la biche ou un renard entre les troncs, vous avez réussi" disait le Maître.
Les voyez-vous?
Chut! Ne pas les effrayer!
Et laisser s'installer l'esprit de la forêt.
L'Esprit du Maître.
Petite remarque. Dans la plus pure tradition de la composition, cette forêt a un vilain défaut: le groupe de trois arbres au milieu en arrière est décalé du mauvais côté; il doit accompagner le groupe du père... zut! on aurait cru un moment que cette forêt était presque parfaite ;-)
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