mardi 2 décembre 2014

(José) Luis Baliño: "Il faut parfaitement cultiver l'arbre et être patient"

C'est dans le cadre du Bonsaï San Show 2013, à Saulieu, que j'avais eu l'occasion de partager un moment privilégier avec Luis Baliño, et son compère Jorge Campos. Son interview retranscrite pour Esprit-Bonsaï a eu les honneurs de la couverture n° 73. Je vous en livre le texte ici; l'article original est à découvrir en image dans ce numéro 73 de décembre-janvier 2015

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Patience et précision: José Luis Baliño
« Un espagnol discret à l'âme d'horloger suisse. »


Son nom vous dira peut-être quelque chose si vous êtes abonné aux grandes expositions européennes. Ou alors  vous avez comptabilisé au fil des numéros d'Esprit Bonsaï les nombreux prix que les arbres de ce galicien ont remportés ces dernières années. Pour ma part, c'est en 2011, que je retiens pour la première fois le nom de Luis Baliño (comme il se fait appeler) : il est alors le propriétaire du magnifique pin lauréat du Noelanders Trophy.
Peu de monde sait que cet pin mugo est originaire des Alpes suisses. C'est à l'occasion d'une amicale rencontre à Saulieu en octobre 2013 que cette histoire sera l'occasion de découvrir un homme aussi patient que perfectionniste. Tout à son calme, un peu taiseux, il laisse

http://www.esprit-bonsai.com/magazine/magazines-papier-a-l-unite/3265-esprit-bonsai-n-073.html#menu_centreUne rencontre qui dure...
Luis Baliño: "Nous avions vu ce pin lors d'une démo faite par un allemand au Ginkgo Award. J'ai été impressionné, mais je n'étais pas d'accord avec le choix de la face. A la fin du travail, je ne comprenais pas pourquoi, cette face avait été choisie. Dans les années qui ont suivi, à chacun de mes passages chez Dany Use, j'ai revu cet arbre. Nous avons parlé avec Jorge, nous l'avons regardé, et regardé encore. Cet arbre vient de Suisse: il y a un endroit près de Sankt-Anton, je crois, un endroit unique où les pins mugo ont des aiguilles très courtes. C'est Jean-Paul Polmans qui l'y a prélevé.
Pendant 7 ans, nous avons regretté qu'il n'aie pas été formé autrement. Finalement, après avoir beaucoup discuté avec Danny, je l'ai acheté. Nous l'avons amené en Galice, où le climat lui a très bien convenu. Nous en avons pris soin pendant 6 ans pour le renforcer, changer la face, re-travailler le shari et refaire la mise en forme.
Après avoir beaucoup attendu nous l'avons présenté: il a gagné un prix au Noelanders Trophy et chez Mistral Bonsaï la même année."

L'espagnol explique qu'il a fallu beaucoup de patience et de perfectionnisme pour aboutir la création de cet arbre, jusqu'au choix du pot il y a trois ans; et aux soins prodigués, aujourd'hui, pour préparer le futur. A l'écouter, on entend presque le temps qui passe, on ressent le soin parcimonieux porté au bon moment, au rythme de l'arbre. Et s'il avait hérité de cet arbre suisse, les valeurs des horlogers helvètes... Patience et précision.

En Europe, nous ne savons rien
Pour comprendre son mode de travail, je pose l'hypothèse d'un "style espagnol"; s'y reconnait-il? Après réflexion, il me dit que non: pour lui, il n'y a pas d'école espagnole ou française, ou même européenne... Pour illustrer, il raconte les voyages chez Danny Use pour suivre les cours de Takeo Kawabe, avec son compère Campos. La chose la plus importante qu'il y a apprise est qu'en Europe, nous ne savons encore rien du Bonsaï. Malgré les prix accumulés dans les expositions espagnoles, les arbres ne passent pas l'examen exigeant du maître nippon: il y a tant à corriger, à affiner, à améliorer... Il fallait encore tout apprendre des japonais.

Luis reconnait en Kawabe - en les japonais plus généralement - sa source d'inspiration. C'est en 2001, lors d'un congrès à Munich, qu'il découvre le fossé entre ce qu'il voit en Europe et ce qu'on fait au Japon. Depuis, il a voyagé plusieurs fois au Pays du Soleil Levant, pour s'y inspirer, et surtout y prendre des claques. Il le résume ainsi: "Nous y allons pour apprendre; et comprendre que nous n'avons pas de quoi être fiers de ce que nous avons dans nos jardins!" Je découvre avec stupeur, le niveau d'exigence, que ce perfectionniste s'impose...

"On ne peut pas cultiver tous les arbres au bord de la mer"
Il revient sur la question de l'influence culturelle ou nationale sur la pratique du bonsaï pour dire que, pour lui, finalement, il n'y a qu'une seule école: celle de la provenance et de la nature de l'arbre. Il faut respecter cette origine: il voit beaucoup de pins sylvestres en Espagne et davantage de pins mugo dans les Alpes. Ces différentes espèces ont leurs propres caractéristiques: le mugo a beaucoup de bois de mort et un caractère fort; alors il faut le travailler dans un esprit dramatique et montrer les bois morts. Alors que le sylvestre est délicat et plus subtil; il faut donc jouer avec son mouvement, mettre en évidence son élégance. Même réflexion du point de vue horticole: selon l'endroit où l'on vit, selon le climat, il ne sera possible d'élever que certaines espèces dans de bonnes conditions. Il donne pour exemple ses nombreux amis à Palma qui aiment les ifs, et désespèrent de les voir jaunir dans la fournaise des étés majorquins. Et à ses amis belges qui lui demandent le secret de la qualité des oliviers espagnols, il répond: "le soleil!" Après un rire complice avec son ami Campos, il ajoute sérieusement: "On ne peut pas faire le contraire de ce que la nature veut."


Le secret d'un arbre gagnant
Son approche très pragmatique me pousse à lui demander comment alors il parvient à présenter des arbres qui remportent des prix! Je presse notre introverti pour qu''il nous confie son secret! Sa réponse est à l'image de sa bonhommie: "Tu dois être patient." Et il reprend comme un sage qui enseigne au novice: il faut parfaitement cultiver l'arbre et être patient. Le secret d'un arbre gagnant, c'est un arbre qui est fini lorsqu'il arrive à l'exposition. Cela n'a rien à voir avec un arbre que l'on rempote juste avant de l’exposer et que l'on présente ainsi. Il revendique cette exigence envers lui même pour tous les détails; il insiste par exemple aussi sur l'importance du pot. Et explique qu'il met à contribution tous ces amis de bonsaï pour trouver le pot qui conviendra, ici, au Japon, partout, où qu'il soit... Pour l'exemple, il revient sur le pin qui a gagné au Noelanders Trophy et chez Mistral Bonsaï la même année en 2011: il a été présenté dans un pot que Marco Invernizzi a ramené personnellement du Japon dans sa valise!
Perfectionniste, vous disiez? Luis en rajoute une couche: en expliquant que l'arbre en question a maintenant été rempoté dans un pot plus grand pour parfaire son état et le raffiner... Le but est de le présenter à nouveau dans 5 ans; et remporter un prix. A nouveau! Perfectionniste et patient: nous y revoilà...

Du pragmatisme à la sensibilité
L'interview se prolonge et je peine à atteindre le coeur de cet ibère calme et réservé. Je ne peux me satisfaire de ses excellents conseils de rigueur et de patience, et me hasarde à une comparaison entre un pin et un if exposés à côté.
Leur mise en forme est à l'image de la leçon: précis et aboutis comme des arbres japonais. Pourtant, leur posture est si différente: l'une d'une élégance néanmoins naturelle malgré sa rigueur; l'autre puissante et impressionnante pour une cascade... Je lui fait remarquer qu'il devait être dans des humeurs bien différentes lorsqu'il a formé ses arbres, espérant l'entendre se laisser aller dans plus de sensibilité. Il répondra avec une délicate précision, encore: "Je fais ce que l'arbre demande, je suis l'humeur de l'arbre. Ce n'est pas mon humeur dans l'arbre, je suis l'humeur de l'arbre"! Puisque l'homme parle de lui; je rebondis en lui faisant remarquer, pour le pin, ce sentiment de naturel malgré la perfection presque mécanique de la mise en place du feuillage. Vient-il de cette branche basse? Il explique alors que cet arbre a été présenté neuf ans auparavant à Madrid et y a gagné un prix. Sa forme a changé car il a perdu deux branches, mais toujours, on lui a demandé "Pourquoi tu ne coupes pas la branche basse?" Il a invariablement répondu qu'il la couperait le jour on arrêterait de lui poser la question. Et ponctue sa leçon d'un rire malin...
Image du pin Madrid et Saulieu
Dois-je préciser qu'à un autre moment, l'homme explique, très sérieux "J'écoute tout le monde qui a quelques chose à dire à propos de mes arbres car tous peuvent apporter quelque chose d’important; mais, ensuite, je fais ce que je veux!»

Et de conclure "Mais ce qui est important c'est d'affiner, de refaire, de densifier, de corriger... et être patient."

A bon entendeur!





"C'est à cause d'Iberia que je fais du bonsaï!"
Dans un grand rire, Luis explique ce qui l'a mené au bonsaï:" C'est grâce aux retards réguliers des vols d'Iberia que je fais du bonsaï. Comme les vols domestiques avaient 1, 2, 3, parfois 5 heures de retard, je lisais plein de magazines dans les aéroports. Je vis à la campagne: j'aime la nature, le jardinage... et j'ai découvert les magazines de Bonsaï. Un jour j'ai appelé l'éditeur pour lui demander si on pouvait apprendre le bonsaï en Espagne; chez qui. Quelques semaines plus tard, j'ai voyagé de ma campagne de Galice, jusqu'à Barcelone - 1250 km - chez un professionnel qui donnait des cours: Sebastián Fernández. Je suis resté une semaine chez lui pour apprendre les bases (ligatures, rempotages, mise en forme). De retour, chez moi, j' ai commencé avec mon premier arbre. Je le conserve encore aujourd'hui... certains visiteurs de mon jardin sont surpris face à cet arbre; je leur explique que c'est le premier. C'était il y a 24 ans, en 1989..."



"comme larrons en foire"
J'interpelle Jorge, notre interprète du jour: "Jorge, quand tu traduis, tu dis souvent "nous"... vous paraissez très proches...
Luis réagit: "oui, mais nous n'avons jamais dormi ensemble!" (Eclats de rire)
Jorge: «Enfin! pas dans le même lit!» (Les compères s’embarquent dans un fou rire joyeux)
Jorge (qui finit de rire): "oui, nous sommes très amis depuis notre rencontre dans une exposition en 1998. J’avais entendu qu'il avait des beaux arbres, et je lui ai rendu visite. J'étais surtout intéressé à lui acheter des yamadoris. J'ai alors découvert ses pins et ses ifs...  Et depuis, nous faisons tout ensemble: nous voyageons en Espagne, en Italie, dans toute l'Europe, pour y exposer et rencontrer nos amis, nous sommes amis avec tout le monde! En France aussi, nous visitons Thierry Font, Alain Arnaud, Patrice Bongrand, et François Jeker qui nous invite pour son exposition Euro Top 30 en octobre prochain."
(NLDR: à noter que Luis et Jorge seront hôtes d'honneur au Bonsaï San Show à Saulieu cet automne.)


son ami de longue date, Jorge Campos, faire l'interprète de cette histoire.

jeudi 15 août 2013

Chiharu Imai: Il faut connaître la raison du geste

Dans le cadre de l'exposition 2013 de l'EBA - European Bonsaï Association - j'ai eu la chance de pouvoir interviewer le maître japonais Chiharu Imai. Au Japon il est connu pour avoir préparer plus d'une centaine d'arbres à la plus réputée des expostions au monde, la Kokufu-ten. L'article original est à découvrir avec les photos dans le n°65 d'Esprit-Bonsaï.

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Chiharu Imai
« Il faut connaître la raison du geste »

Sans être une grande célébrité du bonsaï, Chiharu Imai n’en est pas moins talentueux. Il a cela de particulier qu’il travaille dans le respect de l’arbre, même en démonstration. Le geste doit avoir un sens, qu’il explique.

http://www.esprit-bonsai.fr/
Chiharu Imai : ce nom ne vous dira peut-être rien ; ce n’est pas très étonnant, ce Japonais n’est pas encore très connu en Europe. Il est vrai qu’il est plus jeune que les stars historiques du bonsaï, et qu’il n’est pas non plus issu d’une dynastie de pépiniéristes. Pourtant, il fait son chemin entre ses maîtres et ceux qu’il appelle « la nouvelle génération». Il développe un style propre qu’un ancien de ses apprentis, Daiki Abe – petit-fils du célèbre Kurakichi Abe –, situe entre le «Tokyo style»* et un style cher à d’autres artistes qui cherchent à mettre en valeur les espaces vides.
Ce jeune professionnel de grande lignée, qu’est Daiki Abe, porte un regard respectueux sur son aîné qu’il considère comme un grand technicien capable de beaucoup de finesse dans son travail.
Avant d’interviewer Chiharu Imai, la démonstration qu’il a tenu pour l’EBA (European Bonsaï Association) à Audincourt en mars passé, était donc le moment idéal pour s’imprégner de son travail minutieux et de sa solide pédagogie. Ces qualités, le professionnel les y a exprimées en travaillant deux pins sylvestres.

Respect et finesse
D’emblée sur le premier arbre, Imai hésite. Il prend beaucoup de temps à inspecter une végétation déportée sur les extrémités de longues branches fines, pour conclure qu’elle n’est pas prête pour une mise en forme. En bon pédagogue, c’est sur une branche à peine coupée et ligaturée qu’il explique avec précision ce qu’il aurait aimé faire : mettre en place chacune des branches les unes par rapport aux autres pour obtenir un port naturel et harmonieux. Disposées comme les doigts d’une main, les branches les plus longues s’étalent en plateau ; les plus courtes légèrement plus hautes se placent en arrière pour donner du volume. La technique est impeccable, le résultat indiscutable.
Ce souci du geste juste, de la soumission du geste au but poursuivi, Chiharu Imai le développe aussi avec beaucoup de finesse sur son second arbre de démonstration : un immense sylvestre penché. Avec une concentration extrême, l’artiste met en place, puis retouche, se recule et retouche... Jusqu’à limiter ses interventions à des mouvements de quelques petits millimètres, corrigeant des angles de quelques degrés.
Dans un silence respectueux, le public observe, le temps s’allonge. Les mains travaillent lentement, précisément, sans qu’un mot ne soit prononcé. Les branches prennent leur place avec un port d’un naturel désarçonnant : la main à peine retirée, on en oublie l’intervention de l’homme. Alors, la nature s’exprime en force.

La raison du geste
C’est au terme d’une longue journée de travail et d’instants d’apesanteur, après une cigarette dégustée avec apaisement, que le maître nous rejoint, Mayumi Matsuo (l’interprète) et moi, au pied de cet arbre dont le travail entamé fait ressortir les premières lignes magnifiques.
Nous revenons donc sur les grands moments de sa démonstration en commençant par essayer de comprendre ce qui lui a été le plus difficile. M. Imai explique à propos du premier arbre que contrairement à ce que l’on peut penser, le plus difficile n'est pas la grosse torsion de tronc qu’il a exécutée, pour rapprocher la végétation et compacter l'arbre : « Travailler avec un tord-tronc n’est pas si difficile. » La vraie question est « jusqu'où doit-on travailler, jusqu'où doit-on montrer ? Qu'est-ce qui est bon pour la démonstration, et ce qui est bon pour l'arbre ?»
Entre spectacle et pédagogie, il n’a pas hésité : il a préservé l’arbre, avec beaucoup de respect, et a donc renoncé à terminer la mise en forme.

La nécessité de connaître
Sans omettre pour autant d’expliquer comment l’arbre aurait dû être préparé. Il revient sur la leçon faite à propos du désaiguillage, le hazukuri, afin de stimuler l'éclosion des bourgeons latents en arrière de la végétation, et obtenir une ramification plus dense : "Peut-être que [les européens] ne connaissent pas la raison du geste. Par exemple, le hazukuri a une raison : on ne laisse pas pousser l'arbre longtemps sans le ramifier ; ce n'est pas bon pour faire un bonsaï. Si l'on connait la raison, on le fait naturellement ». Il met ainsi l’accent sur la nécessité de connaître la technique, mais aussi la raison qui la sous-tend. Pour lui, après reprise des racines, un prélèvement doit être suivi d’un désaiguillage régulier pour stimuler le bourgeonnement. Au risque, sinon, de voir ses branches « filer » dans la longueur et se dénuder.
De même, à propos de sa deuxième démonstration, alors que je partage l’émotion ressentie en l’observant, il explique sa démarche entre technique et esthétique. Il est nécessaire de se donner le temps de travailler chaque branche individuellement, l’une par rapport aux autres, quand elles sont encore malléables, car avec le vieillissement, il ne sera plus possible de les travailler si finement et elles garderont un aspect grossier. De plus, il est important aujourd'hui que l'arbre soit déjà beau; et comme les branches y sont pour le moment encore très visibles, il faut s'appliquer, même si plus tard la végétation couvrira partiellement ces branches.

C’est une question d’impatience
Je lui fais remarquer qu’en l’observant, on a l’impression que l’insistance de ses gestes cherche autre chose, il répond avec un sourire « Il faut chercher la beauté esthétique : là où est la beauté de l'arbre. »
À entendre ce souci, on ne s’étonnera pas que l’esthète soit membre de la Nippon Bonsaï Sakka Kyookai dont les valeurs sont la tradition, l’étude de l’esthétique et des techniques horticoles, autant que l’art de l’exposition. C’est d’ailleurs lors de la Sakka-ten, l’exposition de la branche européenne de l’association, en 2012 à Peñiscola (Espagne), que M. Imai est invité à intervenir. Il n’est pas tout à fait inconnu dans ce pays puisqu’il y a enseigné dès 2007 à Benicarló (Castellón) dans ce qui fut une école.
J’en profite pour lui demander ce qu’il trouve le plus difficile dans l’enseignement du bonsaï aux Européens «Ce n’est pas une question de difficulté, mais d’impatience. Les Européens doivent beaucoup apprendre et parfois je parle d'un arbre en le regardant comme il sera dans dix ans. Celui qui n'a pas l’habitude de voir des arbres grandir sur plusieurs années ne peut pas suivre ce que je dis. Je le comprends, mais c'est frustrant».

Enseigner les bases
M. Imai revient plusieurs fois sur son envie de revenir aux bases, d’enseigner les fondamentaux : « En général, les Européens se concentrent sur des détails et sur des techniques avancées. Mais ils manquent de pratique sur des choses basiques ; j'aimerais leur montrer et leur apprendre cela.» En particulier, il remarque dans un rire gêné qu’en Europe, nous avons « le geste grossier » ; il manque de finesse, il est approximatif.
Il s’étonne aussi de voir que la manière d'avoir du plaisir avec le bonsaï est différente d’avec celle de sa patrie. Par exemple, explique-t-il, s'il coupe beaucoup de branches sur un arbre, les participants rigolent ici. Cela n'existe pas au Japon : les gens restent sérieux. Ils vont surtout poser plus de questions sur le « pourquoi » il faut couper la branche, alors qu'en Europe, les gens ne réagissent pas vraiment, ne cherchent pas à comprendre ce qu'il y a au-delà du geste.
« Le geste grossier »... parce que peut-être il lui manque le sens, il n’est pas habité d’une intention. Nous y sommes à nouveau : la raison du geste.
Aujourd’hui, contraint de ne pas quitter sa pépinière trop longtemps, Chiharu Imai a renoncé à enseigner dans l’école de Benicarló et se concentre sur le suivi de ses élèves d’alors. Beaucoup sont professionnels et l’invitent à visiter leurs pépinières pour prendre conseils et enseignements.

Les professionnels doivent travailler davantage
C’est d’ailleurs ce souci que notre ami partage en fin d’interview. Alors que je lui demande, s’il pense qu’en Europe nous aurons un jour des arbres aussi beaux que chez lui, il rétorque sans hésiter, une réponse formulée il y a longtemps déjà : « Oui. Mais seulement à condition que les professionnels européens améliorent leur niveau. » La réponse me désarçonne ; il développe. Il trouve que les Européens s'occupent beaucoup des côtés mental, esthétique, presque philosophique du bonsaï ; il cite le wabi sabi. S'il s'en réjouit, Chiharu Imai met en garde : si l’on ne s'occupe que de cela, le niveau de l'arbre ne peut pas évoluer. Pour améliorer un arbre, il faut affiner sa technique, améliorer la culture – dans le sens horticole du terme. « C'est important de faire cela d'abord ; plutôt que de cogiter ».
Le maître du jour conclut, en se répétant : « J'aimerais vraiment insister sur une chose ! Les professionnels doivent travailler davantage que maintenant. Ils ne travaillent pas assez. »

Comprendre la technique du geste
Avec compréhension, M. Imai refuse d'être trop exigeant avec les amateurs qui « font ce qu'ils peuvent », et explique que les professionnels doivent être des modèles pour les amateurs. Il remarque que parfois, le commerce du bonsaï se limite à la revente de produits d’importation et que des yamadori à peine prélevés sont revendus sans avoir bénéficié des soins qui les préparent à être du bon matériel pour les premières mises en forme. Poliment, le Japonais admet que certains travaillent bien, mais remarque aussi que ce n’est pas toujours le cas.
Pour nous tous, professionnels et amateurs européens, peu habitués à observer le geste, plus friands de règles ou d’explications théoriques, M. Imai nous incite à observer et à nous imprégner du geste, d’en comprendre la technique, la finesse, mais surtout le but. Le « pourquoi » qui se cache derrière le geste de l’artisan. La raison.

Mais pas celle de Descartes.


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Pour l'article en PDF: contactez-moi en indiquant votre adresse email.



vendredi 17 mai 2013

kintsukuroi: passionné de fêlé

Pour ceux qui ne connaissent pas encore cette art ancestral, j'en avais fait un bref résumé il y a quelques temps; je vous invite à ce détour.

Mais aujourd'hui, je vous propose une courte contemplation, en cinq temps, ...








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dimanche 12 mai 2013

Expo d'anniversaire: le 35e du BCSR


Comme il était annoncé, Lausanne a vu ce weekend l'installation d'une exposition pour fêter le 35e anniversaire du Bonsaï Club de Suisse Romande weekend.

C'est dans le cadre du Rolex Learning Center que le public intéressé et les amateurs passionnés se sont mêlés dans les allées du Forum.
Quelques 50 arbres présentés sur tablettes avec plantes d'accompagnement devant de grands fonds blancs dans une très belle lumière (quand le soleil voulait bien s'enfiler entre les nuages trop nombreux de ce printemps de grisaille).


Si le BCSR présentait 35 arbres, d'autres clubs invités - le Bonsaï Club du Léman, les Amis du Bonsaï de Neuchâtel, le Yama Sakura de Fribourg et l'ASCAP Bonsaï Club de Montbéliard - ont complété l'exposition de quelques-uns de leurs arbres. Un belle exposition au final témoigne de la vivacité de cet art en Suisse Romande.

La contribution du BCL


Relayé dans le journal local, cet anni-
versaire a accueil-
li Takeo Kawabe, grand habitué des ateliers du BCSR pour des ateliers "débutants" et "avancés", en hôte d'honneur. Les conférences d'Oscar Roncari, Thierry Claude et Gilles Villaume, en plus de celle du maître japonais, ont complété ce beau weekend.




Je vous livre quelques images:
 - celles de mes coups de cœur...



 


 





- ... mais aussi celles des arbres qui m'ont aidé ce weekend à avancer un peu plus loin sur la Voie.












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mardi 16 avril 2013

Le Bonsaï Club de Suisse Romande fête ses 35 ans

C'est dans le très beau écrin du Rolex Learning Center que le BCSR - Bonsaï Club de Suisse Romande - organisera une exposition pour fêter son 35e anniversaire.
Grand ami du club, Takeo Kawabe en est l'invité d'honneur.

Invité en voisin, le BCL - Bonsaï Club du Léman - y sera présent avec quelques très beaux arbres.

Horaires:
vendredi 10 mai
   14h00 – 18h00
samedi 11 mai
   9h00 – 18h00
dimanche 12
   mai 9h00 – 16h00

Lieu:
Rolex Learning Center
Site de l'EPFL à Ecublens
Plan d'accès


Des ateliers, des marchands et des animations en marge de l'exposition.

Venez nombreux!


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mercredi 10 avril 2013

Bonsaï en promo (2)

 
  

Bonsaï : Peter Chan
Mannequin: Yumi Lambert
Styling: Robbie Spencer
Vêtements: Prada
Chaussures: Prada


lundi 8 avril 2013

kintsukuroi, la valeur de la fêlure




Un bien joli mot qui exprime un art,  mais surtout nous enseigne une valeur bien éloignée de notre consumérisme ambiant:
donner de la valeur à ce qui est brisé.

Pour comprendre, il faut savoir qu'en Chine, puis au Japon, une pratique ancestrale consiste à utiliser de l'or ou de l'argent pour réparer des poteries. On peut donc voir (à défaut d'en trouver) des pots, qui dans un coin, qui sur un bord, exhibent des touches dorées ou argentées; sorte de plombages trahissant d'une ébréchure, d'une cassure, d'une fêlure.

Inutile de dire que ces pots anciens ont une valeur immense... mais pas seulement parce qu'ils sont anciens; pas seulement parce qu'ils sont chargés de quelques grammes d'un métal que l'humain a convenu de considérer comme monétairement précieux.
Mais parce qu'en se brisant, en portant cette cicatrice, ils portent l'attention de celle ou celui qui l'a réparé, l'a embelli, lui a donné une marque.

Ils racontent leur histoire, leur unicité et nous disent finalement que tout est au-delà d'un accident et d'une matérialité.

Ils montrent la force de vouloir exister malgré tout... dans la beauté.



kintsukuroi *
* (n.)(v.phr) "réparer avec de l'or"; l'art de réparer une poterie avec de l'or ou de l'argent et comprendre que l'objet devient plus beau d'avoir été brisé.


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